Protection des Monuments historiques 2012
30 objets inscrits au titre des Monuments historiques
Une bassine de baptême du XVIIe siècle datée
Un triptyque en laque des années cinquante
Peintures marouflées de Robert Guinard
Bilan des restaurations dans les églises de la Manche (2011-2012)
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30 objets inscrits au titre des Monuments historiques

La commission départementale des objets mobiliers (CDOM) s'est réunie le 6 novembre 2012 à la préfecture de Saint-Lô, en présence du préfet, Monsieur Adolphe Colrat. Après un bilan des restaurations (voir ci-dessous), un état des vols d'objets d'art dans la Manche en relation avec la gendarmerie qui apporte son expertise en matière de prévention, la conservation des antiquités et objets d'art a proposé 31 objets pour l'inscription au titre des Monuments historiques. Après débats, les membres de la commission se sont montrés favorables à l'inscription de 30 objets (tableaux, sculptures, meubles) et ont émis un voeu de classement au titre des Monuments historiques (en Commission supérieure des M.h. à Paris) pour deux objets : une bassine de baptême datée de 1660 et un triptyque en laque des années cinquante. Voir ci-dessous.

Autel de la Vierge de l'église de Saint-Senier-sous-Avranches, entre 1673 et 1719. Cliquer sur les images pour les agrandir.

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Une bassine de baptême du XVIIe siècle datée

LES BIARDS (CT Isigny-le-Buat)
Église Saint-Martin des Biards
(nb. l'objet n'est pas conservé dans l'église)
Bassine de baptême et son couvercle
Plomb, 1660
H.18 ; D.pied 17 ; D.cuve 26,5

Cuve à deux anses munie d’un couvercle.
Décor de fleurs de lys et inscription sur la cuve et le couvercle.
CLEMENT…/ PICAR

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En 1082, l’église de Vezins, avec toutes ses dépendances, est donnée à l’abbaye de la Couture du Mans, par les seigneurs Gautier et Raoul d’Astin. L’abbé de la Couture envoie alors quelques religieux aux Biards pour y fonder un prieuré ; ils bâtissent un petit monastère avec une église pour l’usage des religieux, au lieu où se trouve l’église paroissiale actuelle.
Cette église, reconstruite en grande partie au XVIIIe siècle, n’était vraisemblablement, à l’origine, que l’église du prieuré.
Elle est placée sous l’invocation de Saint-Martin en 1598.
La pauvreté et la vétusté ont raison du prieuré ; au XVIe siècle il n’est plus conventuel de fait.
La fourchette 1725/1780 correspond au moment où le village, démographiquement, est le plus important, oscillant entre 1500 et 1700 habitants.

Cette bassine de baptême est un objet rare, tant par la nature de l’objet que par le matériau qui la compose, du plomb. De surcroît, elle est datée et porte deux patronymes.
Sur le couvercle, M.I. MARTIN CURE DES … (on devine BIARDS
) peut être identifié par archives. Médard Martin résigne sa cure en 1620 au profit du suivant, Jean Martin, diacre des Biards, pourvu en cour de Rome, qui obtient la collation de la cure le 16 avril 1620. Il était fils d’un avocat du bailliage de Mortain et encore curé des Biards en 1665 (AD F.400).

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Un triptyque en laque des années cinquante

GATHEMO
Eglise Notre-Dame
Propriété Association diocésaine.

Triptyque : l’Annonciation (panneaux latéraux) et la Vierge de Pitié (panneau central). Laque sur bois.
Par François Chapuis
(peintre), (attribution par archives), vers 1961 (année de réalisation des vitraux par François Chapuis et année de consécration de l'église).
H : 80 - l : 80 et 160

Inscrit Monument historique le 11/12/2012

Avis favorable, à l'unanimité, pour le classement au titre des Monuments historiques en Commision nationale des Monuments historiques du 04/02/2013.

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François Chapuis, un peintre "cartonnier"

François Chapuis (1928, Beaune – 2002) est peintre, mais la formation très large qu’il a reçue à l’école des beaux-arts de Nancy et de Paris (1945-1950), puis ses travaux au Centre d’art sacré (1951), animé alors par Jacques Lechevallier et Maurice Rocher, l’ont ouvert à d’autres disciplines, notamment celles de l’art mural. Il a ainsi réalisé des fresques, des tapisseries et surtout des vitraux. L’artiste met au point la technique des murs-lumière à partir de résine et de plastique. Celle-ci lui permet de clore en 1963 les quatre parois murales de la tour lanterne de Saint-Michel de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), d’une surface de 400 m², sans connaître les contraintes des plombs du vitrail traditionnel, ni celle des parois en dalle de verre. Parmi ses principales réalisations de vitraux traditionnels figurent, au nombre de ses plus belles réussites l’immense verrière de la cathédrale de Nantes (1957), les vitraux de l’église de Pont-l’Évêque (Calvados) et ceux des chapelles Saint-Jean et Saint-Martial du palais des papes à Avignon, où il s’agissait d’éclairer des fresques du XIVe siècle dans une lumière ne colorant pas les peintures.
François Chapuis a beaucoup travaillé dans la Manche au moment de la Reconstruction où on lui doit les vitraux des églises de Sainte-Croix de Saint-Lô, de Saint-Jean-des-Baisants (1967), de Graignes en dalles de verre d’une surface de 168m² ; ces 2 églises ont été inscrites en 2005, celle de Saint-Jean spécialement en raison des vitraux. Il exécute aussi des maquettes pour différents supports artistiques : textile (pour des tapisseries et des ornements liturgiques à Graignes, le Plessis-Lastelle) orfèvrerie et peinture murale (également au Plessis-Lastelle), chemin de croix en bois gravé.

Un tableau en laque.

La laque est une technique rarement employée pour du mobilier d’église. Le laqueur reste inconnu.
La gamme chromatique limitée vient de la technique elle-même. La teinte de la laque ne peut être modifiée que par un petit nombre de couleurs naturelles : le rouge, le jaune, le vert et le noir (par oxydation à l’air ou par mélange avec différents sels métalliques).
Les tonalités employées s’accordent aux thèmes choisit pour les panneaux : valeurs rougeoyantes et rehauts dorés pour l’Annonciation, thème joyeux ; valeurs froides aux dominantes vertes, et traitement en grisaille de la Piétà pour les panneaux intérieurs.

L’emploi de cette technique témoigne de la curiosité de François Chapuiscomme un certain nombre d’artiste de la période - pour les arts décoratifs d’une manière générale. En outre il a recours ici à une forme médiévale, un retable d’autel bas à panneaux. Il choisit deux iconographies traditionnellement associées – ainsi que les symboles qui les accompagnent -, l’Annonciation et la Vierge présentant le Christ mort, une méditation sur Marie, tabernacle du Christ. Mais le langage formel, résolument contemporain et la composition épurée (les figures et les symboles débarrassés de tout décor, flottent sur un fond abstrait), apportent à l’œuvre une puissance d’évocation intérieure, qui n’est pas sans rappeler, comme le caractère précieux de l’œuvre, le style des icônes.

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Peintures marouflées de Robert Guinard

CONDÉ-SUR-VIRE
Église Saint-Martin
Propriété Association diocésaine
Tableaux : les Pèlerins d’Emmaüs et la Crucifixion.
Peinture à l’huile sur toile marouflée. Signés et datés : Robert Guinard 1958
H : 300 – la : 300

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Robert Guinard, peintre fresquiste

Robert Guinard, époux de Marcelle Delcourt-Guinard, sculpteur, réussit à 13 ans, le concours de l'École Estienne, préparant aux métiers du livre et se dirige d’abord vers la lithographie. Il bifurque vers les Beaux-Arts où il rencontre son épouse en 1920. Ils en ressortent tous deux médaillés. En 1925, au salon des Artistes Français, Robert Guinard obtient, en plus de la médaille d’argent, le Grand Prix de la Ville de Paris. En 1936, les nus de Robert Guinard connaissent le succès. Installé à Crécey, Robert Guinard continue de peindre en attachant beaucoup d’importance au dessin et restaure des œuvres abîmées pendant la guerre à la demande des MH et du chanoine Pinel. Il reçoit la médaille d'or de la Ville de Granville en 1983 (il a été président de l’Association des Artistes granvillais pendant 21 ans).
Dans la Manche on lui doit un certain nombre d’œuvres, pour des églises reconstruites ou restaurées dans les années cinquante, comme des chemins de croix peints à fresque et de grandes scènes peints fresques (Saint-Georges d’Elle, La Luzerne).

Thème eucharistique et mémorial

Le thème du premier panneau, les Pèlerins d’Emmaüs, est en rapport avec le lieu dans lequel il se trouve, le chœur, à proximité immédiate de l’autel. Le moment choisi par le peintre est souligné par la phrase de saint Luc, inscrite sous l’œuvre : « il le reconnurent à la fraction du pain ». Le nom des donateurs est inscrit sous la toile.
Le thème du second en rapport aussi avec l’eucharistie est donc lié au souvenir des morts. En cela, ce tableau est un véritable monument aux morts. Ce que souligne également l’inscription peinte en dessous. « Les anciens combattants aux victimes militaires et civils de la guerre 1914-1918 1939-1945 ».

Genèse des oeuvres

Les bulletins paroissiaux de Condé-sur-Vire apportent des informations sur la genèse des œuvres dont le projet remonte à juin 57 :
"Vous avez remarqué dans le chœur ce grand espace blanc, en forme d'ogive, qui surplombe les stalles. De toute évidence il appelle une décoration. Nous avions envisagé une peinture à fresques, c'est-à-dire avec des couleurs détrempées dans de l'eau de chaux sur une muraille fraichement enduite. Nous dûmes abandonner ce projet qui présentait des inconvénients certains pour les stalles. C'est alors que nous avons décidé sur le conseil de M le chanoine Pinel, président départemental de la coopérative des églises sinistrées et secrétaire diocésain de la commission d'art sacré, la pose de deux tableaux peints à l'huile sur toile. "

Un don des familles de Condé.
Trois familles ont aimablement accepté d'en couvrir les frais : MM Grandin, MM Lecocq, MM Alfred Marie. »
Il est indiqué que la crucifixion est offert par les anciens combattants en souvenir des morts de la guerre.
En octobre 57, on apprend que : Contrairement au projet initial, les tableaux seront en réalité de véritables fresques exécutées sur toile, grâce à un procédé nouveau, entièrement mis au point pas M Guinard. De nouvelles esquisses plus poussées vont maintenant être exécutées, nous irons les voir dans l'atelier de l'artiste. Chaque toile dépassera 75 000 francs. M Robert Guinard, l'artiste qui exécutera les peintures du choeur, est venu récemment présenter les esquisses, réduction au 1/5e
En janvier 58 : M Guinard est venu le 25 novembre exposer dans le choeur des esquisses aux dimensions des tableaux qui l'orneront. L'oeuvre définitive est en voie d'achèvement. 95 300 francs sont recueillis
Enfin, en avril 1958 : Lorsque parviendra ce bulletin, les tableaux qui doivent achever l'ornementation du choeur seront placés ou sur le point de l'être. Nous les aurons donc pour la fête de Pâques.
Louis Grandin, l'un des donateurs, était le Maire de Condé, fondateur et directeur de l'usine de lait Elle et Vire et député de la Manche.

L’excellent état de conservation des panneaux est une preuve de la maîtrise technique de l’artiste pour « ce nouveau procédé », qu’il mis au point spécialement pour ces œuvres, comme nous en informe les bulletins diocésains.

La Renaissance italienne comme source d'inspiration

Robert Guinard s’inspire pour ces deux œuvres, notamment la seconde, des grandes œuvres de la Renaissance italienne. Les références sont ici Giotto (figure de la Madeleine et du Christ) Masaccio (présence monumentale des personnages), et Fra Angelico (recueillement méditatif des personnages, attitudes et gestuelle). S’il puise à la source des grands maîtres, on voit bien que sa composition est d’une grande modernité par le style qui fait une large part au portrait, rendant l’œuvre vivante, et à la couleur qui ajoute en puissance d’évocation.

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Bilan des restaurations dans les églises de la Manche (2011-2012)

90 objets ont été restaurés entre 2011 et 2012 :

  • 14 autels (incluant menuiserie, polychromie – dorure)
  • 17 statues
  • 2 poutres de gloire
  • 11 tableaux
  • 25 verrières
  • 4 tapisseries
  • 3 bancelleries, un tabouret de chantre, un ensemble de stalles + ensemble protestant du Chefresne
  • 2 lutrins
  • 2 chaires à prêcher
  • 1 garniture d’autel
  • 1 chapier
  • Fonts baptismaux
  • 1 potager
  • 1 chape
  • 1 pendule
  • 1 cloche
  • 1 voûte peinte

Servon, église Saint-Martin
Peinture de la voûte, classée Monument historique

Peinture à la détrempe bleu nuit avec motifs au pochoir rajoutées à la peinture à l’huile (motif stylisé végétal, monogramme du Christ), cabochons dorés et étoiles en carton bouilli pointés de manière irrégulière.
Inscriptions et date sur un embout de poutre : HONOR ET/GLORIA 1656

Après consolidations de menuiserie, l'opération a consisté, dans la sacristie, à réintégrer le bleu nuit et atténuer les taches de tanin provoquées par le bois et des infiltrations d’eau (la peinture à la détrempe n’a pas pu faire obstacle à ces remontées).
Dans le chœur (quatre travées devant le retable), la réintégration picturale s'et faite à partir du beige pour aller vers le gris bleu puis le bleu afin de remettre en valeur les nuées.


Sur les personnages, les vernis ont été enlevés,les couches beiges épaisses ont été dégagées pour remettre en valeur les cuirs roulés. Les lacunes des visages n'ont été reprises que très légèrement.

Une patine a été réalisée à l'aide d'un jus à la chaux et de pastels secs fixés, afin de donner une unité visuelle entre la partie XVIe/XVIIe et la partie XVIIIe/XIXe.

L’ensemble restauré permet, sans heurt visuel, de prendre en compte l’histoire du chœur avec la première couche picturale encore bien présente (la sacristie), les éléments créés avec la mise en place du maître-autel (nuée, luminaires, couleur bleu ciel), enfin la peinture beige du XIXe siècle, les couches sous-jacentes étant trop lacunaires.

Hiesville, église Saint-Côme et Saint-Damien
Cloche inscrite Monument historique, restaurée en 2011

Cloche nommée Adélaïde-Anicette. 1811 par Jourdan, fondeur à Ver. Inscription : / POPULUM CONGREGO. L'AN 1811 J'AI ETE NOMMEE ADELAIDE ANICETTE PAR M(ONSIEUR) / LE VAVASSEUR D'HIESVILLE ET DAME ADELAIDE LE FEVRE DE LA GRIMONIERE SON / EPOUSE, ET BENITE PAR M(ONSIEUR) REGNAULT CURE. JE PEZE 600. S(AIN)T CLAUDE / PATRON./ JOURDAN DE VER FOND(EU)R.//
Bas-reliefs moulés : croix de rinceaux, deux têtes de chérubins et une Vierge à l'Enfant.
Dimensions : diamètre : 83,5 cm ; poids estimé : 340 kg
La cloche comportait des impacts de balles et une fêlure importante au niveau d'une anse ainsi que des usures au niveau des points de frappe. Elle avait était de plus retournée ce qui occasione une fragilité supplémentaire.
Après dépose, la fêlure a été ressoudée et les points de frappe rechargée dans les ateliers Bodet, puis reposée dans sa position d'origine .
Cette restauration aidée à 70% par le conseil général a été suivie de la restauration du beffroi à la charge financière et surtout physique de la commune, puisque plusieurs bénévoles se sont fortement investits pour la sauvegarde de leur patrimoine.

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