JOGANVILLE
Église Saint-Vigor
Fichier documentaire
ABREVIATIONS
-
A.E.C. : Archives ecclésiastiques de Coutances
-
A.D.M. : Archives départementales de
-
C.A.O.A. : Conservation des antiquités et objets
d’art de
-
C.E. conférence ecclésiastique (suivi de la date)
-
V.A. : Visite archidiaconale
-
Clmh : Classé monument historique
-
Ismh : Inscrit à l'inventaire supplémentaire des
monuments historiques
-
S.A.H.M. : Société d'archéologie et d'histoire et de
-
M.R.U. : Ministère de
SOURCES
Archives
diocésaine
Conférences
ecclésiastiques de 1866 et 1867
Arch. dép.
Manche :
- 164 W (MRU, reconstitution du mobilier)
- 173 W 183 (MRU)
- dossier
communal de coupures de presse
BIBLIOGRAPHIE
Guilbert Dr. Charles de Gerville. Voyage archéologique dans la Manche (1818-1820). T.I. 1999, p. 184-185 (et autres références bibliographiques)
***
XIXe siècle
Conférence
ecclésiastique 1867
1858 : couverture de la chapelle de la Vierge (Achile Lecouvey, curé de 1863 à 1876)
Reconstruction
Fonds MRU - 173 W 183
Déclaration de sinistre 30 juin 47 – église
Bombardements des 7 et 8 juin 1944 ayant provoqué un incendie
« Un obus dans la tour du clocher. Charpente et couverture nef incendiée. La charpente sur le chœur et la sacristie existent mais criblées d’éclats, menace de tomber. La charpente du chœur menace de s’écrouler. Tous les vitraux sont détruits. Les bancs et la chaire sont incendiés. La tour du clocher est gravement lézardée. Il ne reste que 75% de maçonnerie. Tous les autres corps d’état sont détruits à 100% » le 19 /12/ 44 signé du Maire Langlois et du métreur de la reconstruction
[Déclaration de sinistre pour l’école et la mairie : Doc photographié]
Architecte M Jean Lescot de Montebourg (Architecte SN expert près le conseil d’architecture interdépartemental d’Orléans Paris 17e )
Devis à l’identique 20
novembre 1951
Évaluation du bien sinistré
Église. Au sol. Dallage en pierre.
Sacristie : dépose de plancher bois (champignon). Démolition de charpente. Faux-plancher sapin. Sapin cloué sur solives.
Devis des travaux restant à faire 27/02/52
Revêtement intérieur : enduit au mortier de chaux. Badigeon à la chaux. Ouvertures extérieures : châssis sapin jusqu’à 1,00 m2
Revêtements intérieurs : enduits chaux badigeon chaux
- Toiture : charpente et couverture ardoise. Faitage zinc.
- Église proprement dite : maçonnerie de moellons et mortier de chaux
- Sacristie : démolition de la maçonnerie pour reprise
Maçonnerie de moellons et mortiers de chaux, jointoiement à la chaux
- Travaux intérieurs : hachement d’enduit chaux. Garnissage au mortier de ciment entre contrefort Église et murs sacristie
Notification
d’indemnité : 1 494 105 francs le 20 mai 1952
Travaux achevés en
septembre 1954
Entreprises
Tirapu (Montebourg) : maçonnerie, béton plâtrerie
- réparation du calvaire : fourniture d’une croix préfabriquée en ciment super blanc (août 57)
- église :
Enduit bâtard lissé pour la nef, transepts, plafonds, façade, chœur
Enduit sur vieux compris dégarnissage des joints et piquetage sur vieux enduits
Maçonnerie de moellons et mortier bâtard décembre 1953
Dallage ciment
Enduit ton pierre sur voûtes
Drains dans mur et caniveau
Reprise des ébrasements
Brotin (Montebourg) : électricité
Camille Roumy (Montebourg) : peinture
Guy Sabatier (peintre décorateur 74 rue de la République St Mandé (Seine) : exécution et pose de 14 stations de chemin de croix
E. Peseux (Montebourg), charpente : fourniture et pose de 14 cadres pour le chemin de croix suivant dessins et forfait mémoire du 17 sept 54. Fourniture, façon et pose d’un confessionnal et de deux estrades suivant plans et dessins remis (mémoire du 8 oct 54)
Société « La finition du siège » (Paris) : 6 fauteuils vernis garnis 6 sept 54
Manufacture de chaises paillées : 10 chaises alsaciennes paillées vernies 10 prie-Dieu paillés. 2e mémoire pour 100 chaises et 6 prie-Dieu.
Plans
Joganville, note sommaire
de synthèse architecturale, 2 mai 2018.
Julien DESHAYES, Pays d’art et d’histoire du Clos du Cotentin
L’historique de l’édifice reste à entreprendre. L’une des particularités de l’église de Joganville réside dans son maintien entre des mains laïcs, sans donation enregistrée au profit d’une communauté monastique au cours des XIe-XIIe siècles. Les pouillés diocésains de c. 1270 (Roger de Joganville et Raoul Paisant) et de 1332 (Henri de Joganville et Richard Carbonnel) précisent le nom des seigneurs titulaires du patronage de l’église. Les de Joganville étaient jusque c. 1370 en possession de la Cour de Joganville, vaste entité manoriale proche de l’église et reliée à elle par un chemin particulier, qui permet aussi d’accéder à l’ancien moulin seigneurial. Raoul Paisant puis Richard Carbonnel furent seigneurs du fief d’Auberville.
Cette emprise seigneuriale se traduit dans la relation topographique entre église et manoir mais également par la présence des gisants placés dans les contreforts de la façade.
Le vocable de Saint-Vigor, évêque de Bayeux au VIe siècle, pourrait traduire l’ancienneté de son implantation mais reste un critère difficile à manier. La présence d’un moellon de calcaire coquillier de Sainteny dans les parements de l’édifice (nef sud) offre l’indice d’une nécropole établie sur le site à l’époque mérovingienne (VII-VIIIe s). Celle-ci était sans doute connectée depuis le haut Moyen-âge à un sanctuaire chrétien (« phase I »).
L’ensemble de la construction associe pour matériaux un calcaire gélif du plain et un autre calcaire, surtout destiné aux éléments structurant, issu du bassin Yvetot-Bocage/Valognes. La restauration des années d’après-guerre, suite au grave sinistre ayant emporté les couvertures de l’édifice et éventré la tour du clocher, a malheureusement gommé la lisibilité du bâti ancien. L’apport de ciment en parement, et surtout le bouchardage des contreforts et des encadrements de baie sont des interventions fort dommageables et difficilement réversibles.
Même si elles sont très résiduelles, les portions d’élévation en opus spicatum de la nef appartiennent probablement à une phase de bâti du XIe siècle, voir de la fin du Xe siècle (« phase II »), qui aura précédé la reconstruction du chœur au XIIe siècle. Les chapiteaux de l’arc triomphal, bien que partiellement retaillés, appartiennent en effet à une autre phase, postérieure, de la construction (« phase III ») et leur implantation aura nécessairement accompagné un projet plus global de réfection du chœur. Le décor d’entrelacs en 8, visible sur l’une de ces corbeilles du XIIe siècle, particulièrement fréquent en Cotentin (Réville, Portbail, Montebourg, Saint-Vast...), et le détail taluté et gainé des bases permettent de proposer une datation de cette phase romane sous le règne d’Henri Beauclerc, c. 1130 environ. Noter la trace résiduelle d’un décor peint roman sur l’un des tailloirs du XIIe des bases siècle encore en place (dents de scie ou chevrons formés d’un simple trait de coloration probablement rouge).
La façade occidentale, avec son portail central et sa baie d’axe coiffés d’arcs brisés, dont les voussures sont formées de tores épais reposant sur des chapiteaux à feuilles lisses, semble appartenir aux années 1160-1180 environ (« phase IV »). Ceci suggère que la nef du XIe siècle fut elle aussi partiellement remaniée à l’époque romane tardive, avec peut-être une légère extension du plan au sol en direction de l’ouest (sur distance inférieure à 1m75), et très sûrement une extension en élévation (avec une zone de rupture d’appareillage encore perceptible). La présence d’une tuile plate médiévale en remploi dans cette élévation de façade donne un indice sur le mode de couverture de l’édifice à l’époque romane (tuiles remplacées postérieurement par des schistes épais tels que visibles au sol, sous les couches postérieures d’ardoises. Cette évolution est commune à de nombreux édifices du Cotentin, où la tuile disparaît au XVe siècle).
Le chœur a subit une nouvelle reconstruction partielle au XIIIe siècle. Sa petite porte sud obstruée, ses contreforts à longs glacis oblique sont issus de cette « phase V ».
Les contreforts d’angle de la façade occidentale en revanche, placés en obliques, me semblent avoir été refaits au XVe siècle, en même temps sans doute que l’on reprenait le talus de soubassement formant empiètement de la façade, où se rencontre une arkose légèrement pourpre bien spécifique à cette phase de reprise (« phase VI »). Il se pourrait que l’on ait aussi adjoint à cette période un porche couvert (aujourd’hui disparu mais dont la trace est visible sur les clichés du début du XXe siècle) au-devant de la façade.
L’option qui a été prise alors de dresser à la verticale les deux gisants fin XII/début XIIIe ( ?) insérés dans ces contreforts, correspond sans doute à un moment de l’histoire où la mémoire de ces défunts, membres de la famille des patrons laïcs de la paroisse, s’était un peu dissoute, et où un nouveau lignage avait pu investir le chœur pour s’y faire inhumer , ce qui nécessitait d’y faire de la place ! (cf. succession référencée de la famille de Joganville aux de Mons c. 1375).
D’autres phases de reprises plus tardives, avec notamment l’addition d’une tour de clocher logeant en rdc une chapelle latérale, la construction de la chapelle nord, puis le percement des nouvelles baies mériteraient d’être analysée avec plus de précision. Il semble toutefois que l’on puisse assigner à l’ensemble de ces ajouts et modifications une date à peu près similaire, vers le milieu ou la seconde moitié du XVIIe siècle (phase VII). La tour de clocher semble appartenir intégralement à cette période tardive. Les baies en arcs cintrés de grande ouverture qui ont remplacées l’ensemble des fenêtres antérieures des gouttereaux de la nef et du choeur, apparaissent aussi représentatives du XVIIe siècle. Le parti intérieur qui a consisté à placer des pilastres étroits dans les chapelles latérales pourrait indiquer la présence d’une voûte en berceau avec arc doubleau, type de procédé que l’on ne trouve pas dans ce secteur du Cotentin avant les années 1630 environ. Le choeur avait probablement été modifié lui aussi pour recevoir un tel voûtement. Malheureusement les reprises postérieures, celles en particulier de l’après-guerre, en ont visiblement effacé toute trace.
L’étude de la phase de « restauration » de l’après-guerre (phase VIII) nécessiterait que l’on puisse retrouver des archives s’y rapportant. Il s’agit comme nous l’avons indiqué, d’une reprise très importante qui a en particulier affecté toute la couverture et les niveaux de sols.
À noter qu’il existe ici un enjeu particulier d’étude et de conservation des statuaires exposées en extérieur. Si les gisants de la façade appartiennent à l’histoire de l’édifice et ne gagneraient probablement pas à être protégés à l’intérieur, la question reste plus ouverte pour la Trinité souffrante du XVe siècle placée dans la niche de la chapelle nord, difficilement visible. Son iconographie mériterait en particulier d’être vérifiée.